Jour 5 (suite) : Tentative d’ascension du sommet du Mont-Blanc (D+:1300 D-:1300 11,30km)

Préambule : voici le descriptif de la mission du jour  (nous sommes au refuge du goûter et ce matin nous étions à Tête Rousse):

http://www.camptocamp.org/routes/53781/fr/mont-blanc-arete-des-bosses

http://www.camptocamp.org/routes/53781/fr/mont-blanc-arete-des-bosses

Depuis le refuge du Goûter, gravir la calotte glacière haute d’une vingtaine de mètres surplombant ce dernier pour rejoindre l’arête.
Suivre cette arête (15min) pour rejoindre les pentes W du Dôme du Goûter. Les gravir et couper dans les pentes sommitales du Dôme, versant Grands Mulets, pour passer sous le sommet (à 10/15m de dénivellation du sommet). Descendre environ une cinquantaine de mètres de dénivellation et traverser le Col du Dôme du Goûter.
En cas de mauvais temps, il est préférable de faire demi-tour au Dôme du Goûter. Au retour, il est nécessaire d’être doté d’un matériel d’orientation précis (trace GPS).

Remonter sur 100m les pentes W et rejoindre l’abri de secours Vallot (2h00).

Gravir ensuite les ressauts successifs de l’arête des bosses proprement dite. La première bosse est assez raide (35°) et parfois crevassée. La troisième bosse présente une arête pouvant être effilée. Tracer alors sur son flanc gauche (NE). Gravir ensuite deux murs et terminer l’ascension par une longue arête effilée menant au sommet. (2h00)

 

Vendredi 15/07 12h00 :  On a mis 30 minutes pour se préparer. On a sorti les collants, les sous-pulls, les t-shirts respirants, les plus grosses chaussettes possibles et nos vestes Gore-Tex.  Le casque reste au placard. On a laissé dans notre seul et unique sac d’alpinisme nos doudounes, et quelques affaires chaudes (moufles, …), un camel back pour l’eau.  Suite au consigne de Philippe notre guide, nous avons allégé au maximum la charge à porter. Nous avons pris le sac de Pierrot, bien plus adapté à l’alpinisme que celui de Romano. Nous emmenons un appareil photo et une caméra. Nous ne savons pas si nous pourrons les sortir.

Nous avons croisé la cordée Romain-Jérôme partie plus tard ce matin. Ils font une pause et repartiront eux aussi pour le sommet.

Guy quant à lui a déjà dépassé le refuge du goûter. Il est en chemin pour le premier objectif du jour nommé le Dôme.

12h05 : Philippe nous reproche notre temps d’habillage. Pourtant on n’a pas l’impression d’avoir traîné!! Romano portera le sac au début. On s’encorde et nous voilà partis !! On prévoit 4h de marche pour atteindre le sommet. Le moral est très bon. Romano a déjà mal à l’estomac à cause du sandwich. Pierrot est au top de sa forme.

On commence par remonter sur une arête. La cordée Stephen-Thibault-Henry n’est pas très loin. Pour l’instant il fait beau. Les lunettes catégorie 4 sont indispensables avec toute cette réverbération. Un masque de ski est plutôt recommandé pour ce jour pour protéger le visage du vent. Pierrot et Romano feront sans.

Nous attaquons ensuite une pente de neige raide qui doit nous emmener au dôme. On suit la trace dans la neige (toujours plus confortable que de tracer la sienne). La trace fait des zigzags. Les chevilles sont encore mises à rude épreuve. Plus on monte plus on ressent le vent.  Il y a plusieurs cordées devant nous. C’est l’heure d’affluence pour le sommet aujourd’hui. Le rythme est plutôt correct mais Philippe ne veut pas rester coincé derrière des cordées moins régulières. On sort de la trace pour tenter de doubler à plusieurs reprises. C’est compliqué et cela consomme de l’énergie. Bien qu’on prenne un chemin plus court, on n’arrive pas forcément à doubler. Notre trajectoire est plus raide et nous devons avancer dans la poudreuse. Au moins ça nous occupe !! On arrive quand même à doubler avant le Dôme.

13h45: Arrivée sur le Dôme. On croise Guy qui redescend. Coup dur !!! Le moral en prend un coup. Il nous explique qu’il n’a plus les jambes pour aller plus loin. Il a le sourire comme d’habitude et nous encourage chaleureusement. On est vraiment triste pour lui. On ne connait que trop tous les efforts qu’il a fourni pour arriver jusque là. En tout cas, chapeau monsieur d’être monté jusque là!

Malgré ce coup sérieux au moral, nous ne nous avouons pas vaincu et nous devons nous reconcentrer. Philippe notre guide, nous pousse. Nous ne faisons pas de pause. Nous sommes dans l’optique d’avancer étape par étape et de faire le point pour voir la faisabilité de l’ascension.

Sur le dôme le vent souffle fort. Nous ne sommes pas du tout protégés. Nous comprenons pourquoi certains renoncent ici (plus de 50%). Le vent sèche nos visages et accentue le froid. La neige soulevé semble abrasive. On a un peeling gratuit à 4000m !!

On commence par une légère descente dans la trace. Cela permet de récupérer un peu. L’objectif est le refuge de Vallot que l’on peut déjà apercevoir au loin. Comme toute bonne chose a une fin, on recommence à grimper sur une pente régulière. Il fait froid!! Le nez semble geler au contact du vent. Les doigts de pieds sont engourdis. Les chaussures de location ne sont pas très bien isolées. Romano a de plus en plus la nausée. Pierrot est toujours au top. Il gère l’effort en fin de cordée. Derrière la cordée Thibault-Stephen suit largement le rythme. Plus on avance moins il y a de monde. Beaucoup ne se sont pas engagés après le Dôme. De notre côté, nous ferons le point à Vallot mais Philippe semble confiant dans la réussite de notre entreprise.

vallot

Vallot

15H00: Arrivée à Valot à 4300m. C’est un refuge pour alpiniste en détresse. Nous ne rentrons pas dans le refuge mais nous abritons du vent derrière un bâtiment afin de remettre des affaires chaudes supplémentaires (doudoune, polaire, ..).

Mettre une doudoune avec ce vent est très compliqué, il faut enlever les gants, la veste Gore-Tex. Dans ces conditions de vent et avec le baudrier c’est vraiment pénible. On laisse nos gants parterre, Philippe nous engueule joyeusement. Il a raison si les gants s’envolent, c’en est fini du Mont-Blanc et cela rendrait même la descente dangereuse. Notre Philippe toujours agacé par l’histoire de nos gants se rend compte que notre sac est encore trop lourd. On a pris un camel back d’eau qui a gelé. On transporte de la glace au sommet du Mont-Blanc. Pas sûr que ce soit utile!! On reprend une avoine !!! On profite de cette pause pour boire du thé chaud et du coca cola. ça fait du bien !!

Nous sommes rejoints par la cordée Stephen-Thibault-Henry. On fait le point sur l’état de santé des protagonistes. Romano a mal à l’estomac et à la nausée (quelle tarlouze). Thibault a les doigts de pieds gelés et le visage aussi. Stephen et Pierrot sont au top de la forme. On prend la décision de modifier les cordées En effet si un membre de la cordée connait une défaillance, tout le monde doit descendre. Nous laissons une chance supplémentaire aux plus en forme d’atteindre le sommet. Pour augmenter nos chances, nous laissons aussi tout le matériel superflu sous un bâtiment (sac, un bâton par personne, bloc de glace de Romano et Pierrot). Nous récupérerons tout cela en redescendant.

Nous voici repartis Philippe-Romano-Thibault (la cordée boiteuse) et Henri-Pierrot-Stephen ( la vraie cordée !!). L’idée de base est que les plus faibles aillent moins vite que les autres (en théorie, sur le papier, selon les manifestants!!). La première cordée à s’élancer est …… Romano-Thibault!!

On se lance dans les bosses. Le terme bosse n’est pas très approprié pour la première. On pourrait appelé ça un mur !! C’est vraiment raide. les articulations, les jambes et les bras travaillent de concert pour nous mener au sommet. C’est probablement le passage où on laisse le plus de force. Le vent est très fort, on double une cordée en passant par la poudreuse. On a plus vraiment de notions du temps. La bosse semble interminable. On n’ose pas regarder le sommet, on regarde juste la paire de chaussures de la personne qui nous précède. Cela permet d’avoir un rythme identique sur la cordée.

La bosse est vaincue. La pulsation cardiaque de Romano atteint des sommets, son nez est gelé, Thibault ne sent plus ses pieds et Philippe trouve qu’on avance bien !! Bon ben continuons. La cordée Pierrot-Stephen semble facile. Pas de signes de dégradation du temps. Le soleil est toujours au rdv et les rafales de vent à 70km/h aussi. On décide de continuer.

La seconde bosse est plus simple mais tout autant exposée au vent. Eole s’acharne sur nous!! Le temps semble s’être arrêté. La cordée des vrais double la cordée des malades. Tant mieux cela motivera les plus faibles. En fait pas du tout Romano et Thibault perdent de vue Pierrot et Stephen. Le lièvre a été trop vite !! Tout le monde avance  à son rythme. On passe en mode un pied devant l’autre. Chaque pas étant un objectif à atteindre. Philippe est confiant on continue.

Nous voici quasi au pied de la dernière arête. La cordée des gelés nauséeux repasse la cordée de compétition qui s’est arrêtée. Philippe ne s’arrête pas!! On s’engage sur la dernière pente. Ici il n’est pas question de doubler. La voie n’est pas large. On est en file indienne. Le premier de la file imprimant le rythme de tout le monde. Ce sera donc Philippe le leader pour cette ascension finale suivi de Romano, Thibaut, Henry, Pierrot, Stephen et une autre cordée de 3. On met nos dernières forces dans la bataille. Toujours exposés au vent, on utilise nos jambes, notre piolet, notre bâton, notre mental pour faire avancer nos pieds. Chaque pas est une petite victoire. On ne regarde pas le sommet pour ne pas se décourager. Cette montée semble durer une éternité. On lève les yeux vers le sommet. On l’aperçoit enfin. On peut lever les piolets et bâtons. Nous sommes les personnes les plus hautes de France !!

The job is done !!!

16h40 : Le sommet est à nos pieds. 4810m.  On l’a fait!!!  Le temps reprend son cours !! On se prend dans les bras pour se féliciter. On respire de nouveau normalement. Fini l’essoufflement !! Le mot euphorie a été inventé pour ce type de moment. On reste encordé. le vent souffle toujours mais on ne ressent plus le froid !! Il n’y a plus de malades!! La température doit être comprise entre -15° et -20°.

C’est l’heure des photos bien évidemment. Avant que les appareils ne gèlent.

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Même pas de vent !!

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Pierrot, Thibault, Romano et Stephen devant. Au fond Henri.

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La cordée des sportifs

La cordée des sportifs

Point d’ordre de ce succès, on est rejoint par Bernard, Romain et Jérôme. Ils sont partis 40 minutes après nous et sont arrivés seulement 5 minutes après au sommet. Chapeau les gars.

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La team au complet

On est resté moins de 10 minutes au sommet, il faut déjà redescendre. C’est pas grave, nous avons tous récupéré un capital énergie!!

C'est tout droit

C’est tout droit

Auto-passage en mode aquarelle de l'appareil photO suite au froid

Auto-passage en mode aquarelle de l’appareil photo suite au froid

C'est dans l'autre sens!!

C’est dans l’autre sens!!

La descente de 2 bonnes heures est un pur bonheur. On est tout seul dans cette étendue, on profite, on a encore la tête au sommet de toute façon.

19h00: Arrivée au refuge du goûter 7h après l’avoir quitté. On est fatigué, déséché mais heureux. On remarque à quel point le refuge est superbement implanté sur le flanc de la montagne offrant une vue à 360°.

On entre et on se déséquipe à la va vite. Des gens dorment dans le local à chaussures!! Le refuge est complet. On pose nos sacs dans le dortoir puis on va dans le réfectoire. On a mérité d’une un bon repas et deux une bonne bière. Comme dirait Philippe, on ne peut gâcher une telle soif avec de l’eau !! Bref on l’a pas volé.

Vue du refuge

Vue du refuge

Vue du refuge

Vue du refuge

Après le repas, on discute encore mais la fatigue l’emporte. Aujourd’hui nous avons escaladé/marché/glissé pendant 9h30. On a pris plus de vent en un jour que dans toute notre vie. On est brûlé par le froid, crevassé, décoiffé. Mais on est les plus heureux!!

Romano dans 10 ans !!

Romano dans 10 ans !! #jaiprischer

22h30: Rideau !! Demain levé 7h. On doit resdescendre à Chamonix en desescaladant les 700m de dénivelé jusqu’à tête rousse en passant par le dangereux couloir du goûter.

Vue satellite du trajet

Vue satellite du trajet de l’après-midi

 

https://connect.garmin.com/modern/activity/1258304138

La suite

 

2 réflexions sur « Jour 5 (suite) : Tentative d’ascension du sommet du Mont-Blanc (D+:1300 D-:1300 11,30km) »

  1. Les gars, chapeau bas !!!!

    Un petit bémol quand même, monter de l’eau à 4 800 m d’altitude…. Pierrot, je te prenais pour quelqu’un de sensé, mais non 🙂

  2. Je constate que tu serais un excellent guide face aux deux touristes sans cervelles que nous sommes!! :))

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